11 novembre 2017, la mémoire des fusillés pour l'exemple de 1917
Henri fusillé pour l’exemple
Je suis né pour être offert aux canons
je meurs sans honneur au poteau de la honte
sacrifié sur l’autel de vos gloires de salon
de vos peurs de vos vengeances de votre haine
de votre vanité de vos médailles de pacotille
victime pour rien
à jamais banni du cœur de mes enfants
et des enfants de leurs enfants
J’ai couru dans la boue
j’ai eu peur sous les balles
j’ai eu froid
j’ai vu se fondre à
ma belle terre blessée
et noire
les copains aux regards effacés
Coquelicots blés murs
chants d’oiseaux
je les ai oubliés
Je ne sais plus à quoi ressemble la terre ou je meurs
à quoi ressemblent une maison un lit
un ventre de femme
Avant que le grain soit sorti de la terre
on m’y couchera sans vie
Ma femme
m’enivrer une dernière fois de ton souffle de rose
mes enfants
entendre vos rires
tout chargés de clochettes
L’été qui vient
la douceur des longues soirées
quand on restait tard
en murmures et gravité
je ne les verrai pas
Je suis déjà mort
je ne suis déjà plus avec vous
je voulais que ça s’arrête
et ça s’est arrêté
dans ce purgatoire aux murs suintants de froid
Le dernier parfum sera celui de la moisissure
la dernière image celle de mon copain qui me met en joue
la dernière musique ne sera pas chant de merle
mais le vacarme stoppé net
de douze balles
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Poème publié dans La Grande Fête - Sylvie Damagnez, L'Atelier Insolite, fevrier 2017. Page 131