Fondamenta Santa Maria Formosa. Le temps alangui d'un après-midi s'écoule sous le cadran de l'horloge. Une moitié de la place est au soleil. Des bruits de rue avec leur profondeur de rue en écho, rebondissent sur l'eau lissée comme un drap, la rame de la gondole plonge lentement dans le canal. Un brouhaha immobile, des aigus, des chuchotements, des rires, frou-frous et claquements, cacophonie dans la lumière blanche. Un vaporetto vient tout effacer en passant : les cris des enfants, les résonances, la caisse en bois du bateau. Et puis il s'éloigne et la place retrouve ses bruits.

Au centre de l'unique aiguille du cadran, le soleil de bronze dérobe la lumière à celui qui s'étire dans le ciel bleu-lisse. Dans un coin de la place, à l'ombre, un enfant mange une glace, assis sur le banc de pierre qui longe le mur de l'église blanche. Un groupe de femmes parle avec enthousiasme, puis, comme le vaporetto, elles glissent et s'éloignent, et la place retrouve ses murmures. Sa musique de place aux larges pavés gris, aux escaliers de pierre, aux odeurs de marée. Les clapotis de l'eau contre la coque des gondoles.

Devant la perspective aux ocres en camaïeu des façades, aux fenêtres en ogives, le canal est enjambé par un pont de théâtre, arche de pierre et de ferronnerie qu'hommes et femmes traversent prestement, figurants de fond de scène d'une pièce sans fin.

Assise sur les marches de la citerne du Campo Santi Apostoli. Marbre et pierre. Et pigeons qui s'envolent. Est-ce le vent ou le souffle de leur aile qui caresse ma joue. La cloche du campanile vient de sonner six coups.

Dans le coucher de soleil, deux femmes auréolées sur un banc rouge, dans la lumière verte d'un frêne. Les feuilles caressent la façade rose de la bâtisse carrée. Et la porte en pierre grise, aux colonnes à feuilles d'acanthe.

Et les bruits de Venise.

Dans un coin de la place, à gauche, le son métallique d'une série de plats qui s'empilent. Cette femme sur le banc parle en souriant à une autre, debout devant elle. J'entends parfois sa voix qui couvre les cris des enfants venus de tous côtés. Un bébé pleure. Voilà le charme de Venise. On n'y entend que des voix et des vols de pigeons, le souffle du vent calme dans les branches des arbres, un carillon au loin, des pas pressés sur le pavé, des verres qui tintent à la terrasse du café, la cloche qui sonne lentement au campanile des Santi Apostoli. Parfois, un moteur de vaporetto.

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Ici on est dans le champ. La terre où poussèrent herbe tendre, fleurs et légumes, est maintenant couverte de pierres grises. Mais le pré est toujours là, et puis un peu plus loin, comme une rumeur, le fla-fla de la gondole qui pousse les eaux de mer contre les murs et le bois, et sous les ponts de pierre.

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Le vieux campanile en marbre de San Giorgio dei Greci semble se pencher pour épier la vie du canal. Dans la cour on a hissé les petites bannières aux couleurs de la Grèce. Elles viennent barrer le cadran à une aiguille arrêtée. Saint Georges n'a pu terrasser les démons de l'usure et du temps. Qu'importe, de courageux horlogers ont tout prévu... et bientôt l'aiguille reprendra sa course...

Tandis que l'eau coule toujours à la grille aux volutes de rouille.

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Là-bas, au fond des places sonores...

Venise

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